Lecture automnale : Lecoq, Pastoureau, Chollet

Me réinscrire à des bibliothèques a sans doute été l’une de mes meilleures décisions.

J’ai repris un rythme de lecture bien plus régulier et je m’en réjouis. Si je préfère toujours les longues séances de lecture qui me transportent hors du temps, j’arrive désormais à lire aussi sur de courtes intervalles (5 à 10 minutes).

J’ai le sentiment que ce temps m’appartient plus pleinement que le temps passé devant les réseaux ou des séries, qu’il est plus fécond pour moi. La lecture me procure également une énergie et un plaisir qui est sans commune mesure. Et je me rends compte maintenant, par contraste, à quel point ça m’avait manqué ces dernières années.

En plus du réseau de bibliothèques de ma ville, je profite de l’offre de prêt de la bibliothèque de Paris et du confort procuré par la possibilité d’emprunter et rendre un livre à distance. Malheureusement, l’expérience de lecture numérique reste toujours en deçà de ce qu’elle pourrait être chez certaines maisons d’édition. C’est d’autant plus déplorable que l’on pourrait faire de belles choses.

Quelques mots sur les lectures récentes de cet automne.

Honoré et moi de Titiou Lecoq

Balzac a fait ce qu’il voulait de sa vie, en dépit de toutes les restrictions que la société a tenté de lui imposer. Il n’a sans doute pas été très heureux, mais il a choisi d’être libre.

Emprunté par curiosité alors que ça ne me disait absolument rien. Je ne sais pas si c’est peut-être parce que je n’en avais absolument aucune attente, mais cette biographie de Balzac m’a beaucoup plu. C’est drôle, touchant par moments. Les parallèles avec notre époque sont intéressants. Le tout m’a donné envie de lire le reste de ses œuvres.

En attendant, si vous ne deviez en lire qu’une, je conseille Illusions perdues.

Comment vivre dans un système où l’argent semble être la condition nécessaire au bonheur ? Balzac fut un génie et un loser magnifique, il aurait pu nous enseigner une manière balzacienne de mener nos vies en nous émancipant. Et pour une société comme la nôtre, obsédée par l’idée de réussite totale, c’est un flamboyant contre-exemple.

Bleu, Histoire d’une couleur de Michel Pastoureau

[…] il est impossible de projeter tels quels sur les images, les monuments et les objets produits par les siècles passés nos définitions, nos conceptions et nos classements actuels de la couleur. Ce n’étaient pas ceux des sociétés d’autrefois (et ce ne seront peut-être pas ceux des sociétés de demain…). Le danger de l’anachronisme guette l’historien – et l’historien de l’art peut-être plus que tout autre – à chaque coin de document.

[…] C’est la société qui « fait » la couleur, qui lui donne sa définition et son sens, qui construit ses codes et ses valeurs, qui organise ses pratiques et détermine ses enjeux.

À la fois érudit, accessible et captivant à lire. La passion de Pastoureau pour les couleurs est communicative.

Je prévois déjà de lire ses autres livres sur le sujet et je vous renvoie à deux billets illustrés de la souris, un sur le bleu et l’autre sur le rouge.

Rêves de droite et La tyrannie de la réalité de Mona Chollet.

Le premier propose une analyse de la l’imaginaire de droite (et du libéralisme) qui a envahi notre société et sature l’espace médiatique. En parallèle, l’autrice appelle la gauche à se réinventer et à proposer un nouvel horizon (avec le succès que l’on connaît rétrospectivement…). Daté de l’époque sarkozyste, il reste tristement d’actualité.

Le second m’a semblé plus exigeant et difficile à lire, mais aussi plus stimulant (ce qui n’est pas toujours le cas). Mona Chollet y défend le rêve et l’imaginaire personnel, à l’opposé des illusions de la société de consommation, pour faire face à une réalité écrasante et penser de nouveaux possibles. L’essai foisonne de pistes de réflexion et on y décèle des thèmes qu’elle développera ensuite dans Rêves de droite, Chez soi et Beauté fatale.

Le fait que nous nous abstenions de rêver n’aggrave-t-il pas la précarité de notre situation ? La dureté de la réalité contemporaine, nul ne songe à la nier. Mais si elle provenait aussi de l’abdication de notre propre imagination, abdication dont elle nous confirmerait ensuite l’apparente nécessité ? Le rêve est aussi ce recul qui permet de mieux sauter, qui insuffle l’énergie de se révolter, de lutter pour changer les choses - et son asphyxie n’est peut-être pas pour rien dans le fait que cette énergie manque aujourd’hui partout.

Ajouter un commentaire

Lire la politique de confidentialité.
Les champs obligatoires sont marqués d’un astérisque *.

Les commentaires peuvent être formatés avec la syntaxe Markdown Extra.

M’écrire

Vous pouvez également m’envoyer un mail si vous préférez.